Le
capitalisme industriel a eu recours à la croissance économique tirée par le
modèle productivisme pour s’implanter selon les logiques suivantes.
¨ le meilleur moyen de
créer des besoins nouveaux, et donc d’éviter la saturation des marchés est
l’innovation technologique ;
¨ la méthode la plus
efficace pour augmenter les profits et pour bénéficier d’économies d’échelle,
c’est d’augmenter les volumes de production ;
¨ la concentration
capitaliste s’opposant au partage des richesses, la seule parade au
mécontentement des plus démunis est la croissance économique dans la mesure où
celle-ci permet de masquer l’aggravation des inégalités sociales.
Même
si la croissance capitalistique est aujourd’hui plus tirée par une économie
dématérialisée (spéculation, économie de services, …), il n’en reste pas moins
que 70% du commerce international est un commerce de biens industriels.
Comme
l’écrivait Philippe Frémeaux dans un éditorial d’Alternatives Economiques
« La conviction collective dominante
demeure que la croissance économique est un progrès pour autant qu’elle est
partagée par tous. Les riches y voient plus que jamais le moyen de devenir
encore plus riches ; quant aux pauvres, ils en attendent le maintien de leur
emploi et la perspective de rattraper progressivement le niveau de vie des plus
aisés. Quant au rêve d’une meilleure maîtrise par l’homme de son environnement
et de son destin grâce au progrès tous azimuts des techniques, il demeure très
prégnant ».
- L’impasse écologique, économique et sociale du modèle productiviste
Au
début des années 70, les premières alertes sur les impacts environnementaux et
les dangers du modèle productivistes ont été lancées. Trente ans après, les
menaces se sont précisées : réchauffement climatique, destruction
croissante de ressources non ou très lentement renouvelables, développement
économique exponentiel de la Chine et de l’Inde sur notre modèle productiviste.
Ces menaces longtemps contestés par les Etats-Unis, le FMI et la Banque Mondiale,
semblent aujourd’hui validées à l’échelle mondiale (l’ouragan Katrina d’août
2005 est passé par là).
Nous
avons atteint l’impasse écologique qu’est l’accession de toute l’humanité au
mode de vie des Etats-Unis à moins de décider de maintenir une partie de la
population mondiale dans la pauvreté. La motion NPS du congrès de Grenoble nous
rappelait que « si la Chine, par exemple, veut développer,
comme elle le fait aujourd'hui, le transport en automobiles particulières et si
elle arrivait à consommer de l'essence au rythme actuel des USA il lui faudrait
plus de pétrole que ce qui en est produit dans le monde aujourd'hui (80
millions de barils/jour contre 74 millions) ».
Fin
octobre 2006, Nicholas Stern, conseiller économique du gouvernement
britannique, a remis au Premier ministre Tony Blair un rapport de 500 pages sur
les effets du changement climatique en cours et les moyens de les combattre.
Dans son rapport, Nicholas Stern affirme : « Le changement
climatique va détériorer des conditions élémentaires de la vie des populations
sur l’ensemble de la planète - accès à l’eau, production de nourriture, santé
et environnement »
Ce
rapport souligne également les conséquences du changement climatique sur la
richesse mondiale. Le Rapport estime que si nous n’agissons pas, les coûts et
les risques du changement climatique dans leur ensemble représenteront
l’équivalent d’une perte d’au moins 5% du PNB mondial chaque année, maintenant
et pour toujours. Si on prend en compte un éventail plus large des risques et
des impacts, les estimations des pertes pourraient atteindre jusqu’à 20% du PNB
ou plus.
2. Prise de
conscience, mais où sont les actes
Si
les experts s’accordent à dire que les pays du Nord porteurs de ce modèle de développement doivent réorienter
d’urgence leur modèle de production basée sur une société consumériste à
outrance et productiviste, si de beaux discours dont ceux en leur temps de
Jacques Chirac sur « la maison brûle » à Johannesburg en 2002 sont
prononcés, pourquoi l’incendie continue t-il à se propager à grande vitesse.
Trois
explications peuvent être proposées :
¨ « le consensus social persistant autour du
modèle productiviste : le monde du salariat demeure légitimement soucieux de
son emploi, condition de sa survie immédiate, avant de penser aux conditions
écologiques de survie de sa descendance ; Cette alliance contre toute
logique entre les forces du capital et celles du travail est validée par les
Etats, dont la puissance demeure indexée sur le dynamisme de leur économie » Philippe Frémeaux ;
¨ la peur des Etats
d’handicaper leur croissance dans une économie mondialisée hyper -
concurrentielle s’ils étaient les seuls à réorganiser leur économie selon les
préceptes du développement durable ;
¨ la logique politique
nationale de court terme qui prévaut : la menace écologique existe mais la
cause de cette menace est mondiale donc non imputable à un seul pays et semble
toujours au-delà de la prochaine échéance électorale.
Les
dirigeants politiques se contentent de montrer qu’ils sont conscients des
enjeux pour plaire à la fraction de l’opinion conscientisée, tout en continuant
à gérer l’économie de manière à ne pas remettre en cause les intérêts constitués.
Prenons
l’exemple de la France, championne des discours sur le développement durable. Quand il s’agit de
passer aux actes, la France se montre peu empressée d’appliquer les quotas de
pêche, de mettre en œuvre les zones de protection des points de captage, etc…
Au
niveau mondial, la prise de conscience s’est manifestée par l’accord de Kyoto entré
en vigueur le 16 février 2005 engagent 34
pays industriels, sur les 141 signataires du protocole, à réduire leurs rejets
de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Une baisse de 5,2% d’ici 2012 par
rapport aux émissions de 1990. Pour arriver à ce résultat global, les quotas
sont différents selon les pays : -8 % pour l’Union Européenne, -15 % pour
la Russie, ou -6 % pour le Japon. D’autres pays auront le droit d’augmenter
leurs rejets mais dans une proportion inférieure à celle qu’ils
auraient voulu réaliser. C’est le cas de la Norvège, +1% ou de
l’Islande, +10%.Mais cet accord qui a le
mérite d’exister a toutefois de très grosses limites :
¨ Il ne suffit pas à
régler le problème » du réchauffement de la planète, selon l’aveu même de
la plus haute responsable de l’ONU pour le climat, Joke Waller-Hunter.
¨ le plus grand pollueur,
les Etats-Unis, ne l’a pas ratifié
¨ la Chine, dont
l’industrie est une des plus polluantes au monde, a ratifié cet accord à comme
tout les pays en voie de développement une dispense à agir jusqu’en 2012. Cette dispense a été
accordée à la Chine pour ne pas sanctionner son développement économique.
¨ un des secteurs les
plus polluants, l’aviation, n’a pas d’obligations
¨ les entreprises des pays
pollueurs peuvent acheter des droits à polluer à des entreprises moins
pollueuses; Kyoto a réussi à faire de la pollution un marché mondial.
Au
niveau européen, sous la pression des pays de l’Europe du Nord de nombreuses
directives environnementales voient le jour mais les autres pays européens
traînent des pieds à les transposer dans leur droit national.
- Quelles
réponses le socialisme peut-il apporter ?
¨ Faire de l’environnement une revendication du
salariat
Comme
l’histoire nous l’a montré, les processus de transformation ne se mettent en
place que sous la pression de l’opinion et du mouvement social. L’enjeu majeur,
pour nous socialistes, consiste donc à réunir autour des défis environnementaux
la classe salariale et non plus seulement une fraction qui s’interrogent sur
les limites et les finalités de son mode de vie et peu économiquement adopter
des modes de consommation réduisant l’impact environnemental.
Tant
que le salariat demeurera victime de la société de consommation et du chantage
productivisme - survie du salariat, la mise en œuvre du changement nécessaire de
notre modèle de production se fera sous la contrainte et sans doute, trop tard
pour qu’il soit appliqué de manière démocratique et pacifique.
Le
plus bel exemple local est celui de l’arrêt du démantèlement de la centrale
nucléaire de Brenillis cet été suite à la saisie du Conseil d’Etat par
l’association sortir du Nucléaire et les affrontements ayant eu lieu entre les
salariés perdant leur emploi garanti par le chantier jusqu’en 2018 et ladite
association. Aux arguments de sécurité sanitaire des employés et du devenir des
déchets radioactifs, les salariés répondent garantie de l’emploi.
D’où
la nécessité impérieuse de proposer un projet qui prenne en compte les défis
environnementaux sans apparaître aux yeux du plus grand nombre comme une
régression en termes d’emploi ou de mode de vie. Si on souhaite permettre la
mise en place d'un développement durable, il faut favoriser les activités
économiques respectueuses de l'environnement et procéder à des arbitrages où
les paramètres sociaux, économiques et environnementaux ont le même poids.
A
nous de démontrer au salariat que la protection de l’environnement, en plus de
préserver l’avenir de nos enfants, sera créateur d’emploi et de richesses.
¨ Mise en place d’indicateurs environnementaux fiables
La
communauté internationale doit permettre la comptabilisation des vrais coûts
que les activités économiques font supporter à la société. La définition
d’indicateurs environnementaux mondiaux et nationaux servant au pilotage de nos
économies doit être une de nos revendications.
L’empreinte
écologique est un de ces indicateurs pertinents. Elle apparaît en 1992 dans un
article écrit par le Professeur William Rees de l'Université de Colombie
Britannique. Des logiciels dits « calculateurs » ont ensuite été
produits et affinés pour mesurer des empreintes écologiques à diverses
échelles, sur la base de données publiées et comparables
L'empreinte écologique est une mesure de la pression
qu'exerce l'homme sur la nature. C'est
un outil qui évalue la surface productive nécessaire à une population pour
répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins d'absorption de
déchets.
Pour
une personne vivant en Europe la terre a besoin de 10 terrains de foot soit ½
hectare (5 hectares) pour subvenir à ses besoins et pour un américain de 20
terrains. Si tout le monde consommait comme un Américain, il faudrait cinq
planètes supplémentaires. La moyenne
mondiale est de cinq terrains par personne (2,5 hectares).
La
superficie totale de la terre est de 17 terrains par personne (6 milliards
d’individus). En enlevant les parties non biologiquement productives et ce qui
est nécessaire aux autres espèces animales, il y a théoriquement trois terrains
de foot disponibles par personne (2,5 hectares).
L'empreinte
écologique mondiale a donc dépassé la capacité biologique de la Terre à
produire nos ressources et absorber nos déchets depuis le milieu des années
1970, ce qui signifie que l'on surconsomme
déjà les réserves, en réalité en surexploitant les milieux et grâce aux
ressources fossiles. Or ceci contribue au réchauffement climatique, et donc au
risque d’une rapide montée des océans qui diminuera encore la surface de terre
disponible.
¨ Réduire notre empreinte écologique
Quelques
exemples :
¨ Développement
significatif de la part des énergies renouvelables (40 ans de réserve de
pétrole, 70 ans de réserve de l’isotope d’uranium utilisé dans les centrales
nucléaires) ;
¨ diminution du transport
routier en réinstaurant les filières courte de production, en développant le
fret ferroviaire et le ferroutage et les transports en commun et en luttant
contre l’étalement urbain ;
¨ développement des
constructions HQE consommant moins d’énergie et utilisant des matériaux non
polluants
¨ adoption d’une politique
volontaristes de réhabilitation du parc de logements anciens sur des objectifs
définis de réduction de la consommation d’énergie et de diminution des rejets
¨ réduction des déchets en
luttant par exemple contre le sur packaging industriel et en développant le
recyclage
¨ pédagogie sur nos modes
de consommation (consommation de fruits d’été en hiver, …) et leurs impacts
environnementaux
etc
¨ Instaurer une fiscalité écologique active
Les
subventions et les incitations ou désincitations fiscales sont des instruments qui
ont prouvé leur efficacité. Le Danemark par exemple est devenu leader mondial
dans la production d'énergie éolienne et dans la fabrication d'éoliennes grâce
à une efficace politique de subventions à l'investissement.
Laurence
DUFFAUD
23/09/2007